Assassin’s Creed Shadows : Quand Ubisoft se heurte à l’identité japonaise

Publié le 15 novembre 2025 à 17:01

Pour un occidental, la culture japonaise peut parfois paraître énigmatique et difficile à saisir dans toute sa profondeur. Bien que je sois immergé dans la culture japonaise depuis plus d'une décennie, vivant au sein d'une famille japonaise (ma femme étant Japonaise), je continue de découvrir des subtilités qui échappent souvent au regard d'un étranger. Ubisoft n'est pas exempt de ces incompréhensions culturelles, comme en témoigne leur dernier titre, Assassin’s Creed Shadow. Ce jeu a suscité de vives réactions au Japon, en grande partie à cause de certaines représentations qui manquent de précision culturelle. Après avoir discuté avec ma femme et mené des recherches approfondies, j'ai compilé des informations précieuses pour mieux comprendre les raisons de cette réaction si marquée chez les Japonais.

De l’attente au rejet : un lancement sous haute tension

Ubisoft avait placé de grands espoirs dans Assassin’s Creed Shadows, premier opus de la saga à plonger dans le Japon féodal. Avec ses décors somptueux, ses personnages historiques et son gameplay immersif, le jeu promettait une expérience unique.

 

Pourtant, dès les premières bandes-annonces, la réception japonaise s’est révélée glaciale. Ce qui devait être un hommage est devenu un sujet de controverse nationale, entraînant un boycott massif et une censure officielle.

Sanctuaires shinto : une profanation virtuelle qui scandalise

L’un des éléments les plus sensibles du jeu concerne une scène où le joueur peut pénétrer dans un sanctuaire shinto et y commettre des actes de pillage. Dans la culture japonaise, ces lieux sont sacrés, dédiés à la purification et au respect des kami (esprits divins). Leur représentation dans un contexte violent ou profanateur est perçue comme une offense grave. Ubisoft, selon les critiques, n’a pas consulté les autorités religieuses locales ni pris en compte la sensibilité spirituelle liée à ces sites. Cette négligence a provoqué une indignation publique, amplifiée par des élus comme le député Hiroyuki Kada, qui a dénoncé une atteinte à la mémoire culturelle. Face à la polémique, Ubisoft a rapidement modifié le jeu, supprimant la possibilité de piller ou de détruire les sanctuaires dans une mise à jour de lancement.

Yasuke : un héros africain au cœur d’un Japon féodal… trop central ?

Yasuke, samouraï africain ayant réellement existé au XVIe siècle, est l’un des deux protagonistes du jeu. Son histoire, fascinante et méconnue, aurait pu enrichir le récit. Mais Ubisoft a choisi de le placer au centre de l’intrigue, en tant que figure dominante du récit. Cette décision a été vivement critiquée au Japon, où des historiens ont dénoncé une exagération de son rôle historique. Pour certains, le jeu donne l’impression que Yasuke a été un acteur majeur de l’histoire japonaise, alors que les sources historiques le décrivent comme un serviteur devenu guerrier, mais sans influence politique. Cette surreprésentation a été perçue comme une tentative occidentale de réécriture idéologique, au détriment de figures locales comme Oda Nobunaga ou Tokugawa Ieyasu. Le débat a enflammé les réseaux sociaux japonais, où le hashtag #YasukeGate a circulé pendant plusieurs semaines.

CERO Z : une censure qui limite l’impact

Le jeu a été classé CERO Z par le système de classification japonais, équivalent à PEGI 18 en Europe.

Cette catégorie, la plus restrictive, entraîne des conséquences concrètes : les scènes violentes comme les décapitations ou les démembrements ont été atténuées ou supprimées, et la distribution du jeu est limitée à certains points de vente spécialisés.

 

De nombreux joueurs japonais ont exprimé leur frustration face à cette version censurée, jugée moins immersive et moins fidèle à l’expérience originale proposée en Occident.

Cette censure a renforcé le sentiment d’exclusion et de mécontentement autour du jeu.

Le Parlement japonais s’en mêle : inquiétudes officielles

La controverse a rapidement dépassé le cadre du jeu vidéo pour atteindre les sphères politiques. Plusieurs députés japonais ont exprimé leur inquiétude quant à l’image du Japon véhiculée à l’international par Assassin’s Creed Shadows. Le Parlement a évoqué une “déformation culturelle volontaire” et certains élus ont même proposé des sanctions diplomatiques contre Ubisoft.

 

Cette mobilisation politique montre à quel point le jeu a touché une corde sensible, en remettant en question la manière dont une culture peut être représentée par une entreprise étrangère.

Ubisoft dans la tourmente : entre justification et silence

Face à la tempête, Ubisoft a tenté de défendre sa position. Le PDG Yves Guillemot a reconnu que le jeu traversait une “période difficile au Japon”, tout en affirmant que Shadows était un “hommage artistique” au Japon féodal. L’éditeur revendique une liberté créative et une volonté de raconter des histoires universelles.

Cependant, l’absence d’excuses formelles et le manque de consultation locale ont été pointés du doigt par les critiques, qui y voient une preuve d’arrogance culturelle.

Un choc culturel révélateur : quand le jeu vidéo devient politique

Le boycott d’Assassin’s Creed Shadows au Japon révèle un choc profond entre narration occidentale et respect des traditions japonaises. Ce n’est pas seulement une polémique de gamers, mais un débat sur la représentation culturelle, la mémoire historique et les limites de la fiction.

 

Ubisoft, en voulant célébrer le Japon, a involontairement mis en lumière les tensions qui peuvent surgir quand une culture est racontée par une autre, sans dialogue ni nuance.

Par Alex Petit Gamer


Vidéo de The Shogunate : Assassin's Creed Shadows Historical Accuracy: RIGHT and WRONG

Ajouter un commentaire

Commentaires

Il n'y a pas encore de commentaire.